Douche italienne : faut-il récupérer les eaux d’infiltration sous carrelage ?
Le débat sur l’évacuation des eaux d’infiltration en douche carrelée
La question de l’eau qui s’infiltre sous le carrelage des douches à l’italienne suscite des discussions animées parmi les fabricants et les professionnels du secteur. Nous avons constaté que cette problématique, déjà très présente en Europe du Nord, commence sérieusement à interpeller les prescripteurs français. Comme sur de nombreux chantiers que nous avons supervisés, l’étanchéité parfaite n’existe pas sur le long terme, surtout avec des revêtements carrelés.
Système TAF avec fentes d’évacuation, encoches d’infiltration découpables. Principe : évacuer activement les eaux qui s’infiltrent pour éviter stagnation et moisissures.
Rigoles fermées pour éviter les remontées capillaires. Principe : les infiltrations créent plus de problèmes qu’elles n’en résolvent par effet de capillarité.
Évacuation bloquée en temps normal, mais récupération possible lors du nettoyage. Compromis entre les deux approches.
En conséquence, les joints qui deviennent poreux avec le temps ou les carreaux qui se fissurent sont des réalités auxquelles tout installateur est confronté. L’eau peut alors stagner entre l’étanchéité sous carrelage (qu’il s’agisse d’un Système d’Étanchéité Liquide ou d’une natte) et le revêtement lui-même. Cette situation n’est pas sans conséquences potentielles sur l’installation.
Deux écoles de pensée s’affrontent clairement sur ce sujet :
- Les partisans de l’évacuation des eaux secondaires
- Ceux qui considèrent cette pratique comme contre-productive
- Les fabricants proposant des solutions intermédiaires
- Les professionnels préconisant simplement une meilleure étanchéité initiale

Certains fabricants, principalement originaires d’Europe du Nord, soutiennent que ces eaux résiduelles doivent impérativement être évacuées. Selon eux, ne pas le faire expose à des risques de moisissures, de mauvaises odeurs et même au décollement du revêtement à terme. D’autres estiment au contraire que permettre cette évacuation secondaire créerait plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait.
Pourquoi certains fabricants recommandent l’évacuation secondaire
Des entreprises comme ESS Easy Drain et Kessel ont fait de l’évacuation des eaux secondaires leur cheval de bataille. Ayant travaillé sur de nombreux chantiers résidentiels où ces problématiques sont apparues, nous comprenons leur position. ESS, particulièrement, s’est positionné comme un fervent défenseur de cette approche avec son système breveté TAF (Tile Adjustable Frame).
Ce dispositif ingénieux ménage une fente entre le caniveau et le cadre supérieur réglable en hauteur. Cette conception permet non seulement d’ajuster la hauteur à celle du revêtement, mais aussi de récupérer puis d’évacuer les eaux qui se seraient infiltrées. On retrouve cette solution sur leurs modèles Modulo, Basic Drain et S-line, que nous avons pu observer en fonctionnement sur plusieurs installations.
Dans une approche similaire, Kessel propose des caniveaux avec des encoches d’infiltration que le poseur peut ouvrir à l’aide d’un simple cutter. Leurs bondes sont également équipées d’un joint à lèvre amovible, permettant aux eaux secondaires de s’écouler entre la rehausse et le corps du siphon si nécessaire. Ces solutions techniques répondent à une problématique réelle que nous avons pu constater dans les installations sanitaires anciennes : l’accumulation d’humidité sous le carrelage peut effectivement causer des dégâts importants à long terme.
Fabricant | Solution technique | Principe de fonctionnement |
---|---|---|
ESS Easy Drain | Système TAF (Tile Adjustable Frame) | Fente entre caniveau et cadre supérieur |
Kessel | Encoches d’infiltration à ouvrir | Découpe au cutter par le poseur |
Tece | Drainline Evo | Récupération contrôlée lors du nettoyage |
Les arguments contre l’évacuation des eaux secondaires
Face à cette approche, certains fabricants comme Tece défendent une position radicalement opposée. Leur argument principal, qui fait écho à notre expérience dans le bâtiment, repose sur les phénomènes de remontées capillaires qui pourraient être favorisés par ces systèmes d’évacuation secondaire.
Selon Tece, en créant un espace entre le corps du siphon et le joint de carrelage, on ne fait pas qu’évacuer d’éventuelles infiltrations : on les génère activement. Le phénomène physique de capillarité agit comme une pompe, faisant remonter l’eau de la douche sous le revêtement. C’est un principe que nous avons souvent observé dans les constructions anciennes, où l’humidité peut remonter dans les murs par le même mécanisme.
Ce fabricant soutient que la force de capillarité est plus puissante que la gravité dans ces configurations. Ainsi, même avec un joint fissuré, l’eau s’évaporerait et diffuserait par capillarité plutôt que de s’écouler naturellement vers le bas. Dans cette optique, Tece préfère concevoir des rigoles de douche fermées pour éviter les odeurs désagréables liées à la décomposition des saletés entraînées par ce phénomène.
Toutefois, pour répondre aux demandes du marché, notamment des carreleurs allemands, Tece a développé un modèle intermédiaire appelé Drainline Evo. Ce caniveau bloque les remontées et infiltrations en temps normal, mais permet de récupérer les eaux secondaires uniquement lorsque le panier amovible est retiré pour nettoyage. Cette solution de compromis empêche le contact direct entre l’eau de douche et la zone sous carrelage, limitant les risques liés à la capillarité.
Les meilleures pratiques pour une installation durable
Au-delà de ce débat technique, nous tenons à souligner l’importance d’une installation initiale de qualité. Quelle que soit l’option choisie concernant l’évacuation secondaire, la qualité de l’étanchéité sous carrelage reste primordiale pour la pérennité de l’installation.
Il convient de soigner particulièrement deux aspects :
- L’étanchéité sous carrelage, qu’elle soit réalisée avec un SEL (Système d’Étanchéité Liquide) ou une natte d’étanchéité
- Le jointoiement du revêtement, particulièrement crucial pour les petits formats

Pour les installations utilisant de la mosaïque ou des carreaux de petit format, notre expérience nous a montré qu’il est vivement recommandé d’utiliser une colle-joint époxy. Cette solution, bien que plus coûteuse et complexe à mettre en œuvre, offre une résistance et une durabilité nettement supérieures aux joints classiques, limitant considérablement les risques d’infiltration à long terme.
Nous avons constaté que la qualité de la mise en œuvre reste le facteur déterminant de la durabilité d’une douche à l’italienne, au-delà des choix techniques concernant l’évacuation secondaire. Un travail soigné lors de l’installation initiale, avec des matériaux de qualité et une attention particulière aux points sensibles, reste la meilleure garantie contre les problèmes d’infiltration à long terme.